vendredi 3 avril 2009
L'objectif d'un chercheur est d'inventer et de découvrir. Mais il a aussi une mission de communication qui consiste à faire connaître ses résultats. Il est donc naturel que ses publications scientifiques prennent une part dans l'évaluation de son travail. Dès lors, la tentation est grande d'avoir recours à des indicateurs chiffrés pour faciliter, parfois jusqu'à la caricature, cette évaluation.

Un indicateur très à la mode ces derniers temps est appelé H-index. Pour avoir un H-index au moins égal à 5, par exemple, il faut avoir publié au moins 5 articles qui ont chacun été cités au moins 5 fois dans la littérature. L'importance que prend cet indicateur dans la communauté scientifique est à mon sens inquiétante, car la course au H-index élevé ne va pas nécessairement dans le sens d'une recherche de qualité, et ceci pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, pour faire monter son H-index, il ne vaut mieux pas s'investir dans la résolution d'un problème difficile et courir ainsi risque de ne pas publier pendant des années. Il vaut mieux privilégier les pistes susceptibles d'aboutir rapidement à des résultats publiables et présentant un intérêt immédiat pour un grand nombre de scientifiques, qui seront des sources potentielles de citations. Si vous avez un H-index par exemple égal à 10, tout nouvel article qui serait cité par la suite moins de 11 fois ne contribuera pas à l'augmentation de ce H-index. Le risque c'est que certains chercheurs hésitent à se lancer dans des travaux s'ils n'ont pas la conviction que leur résultats vont intéresser à court terme suffisamment de confrères. Sortir des problématiques bien établies devient un pari risqué.

Il y a bien d'autres travers :
- il est possible, pour un groupe de chercheurs, de mettre en place une stratégie de citations mutuelles permettant d'augmenter artificiellement les H-index de chaque membre;
- le résultat d'un travail de recherche ne contribue de manière significative au H-index de ses auteurs qu'après un délai plusieurs années;
- les rôles des différents auteurs d'un même article (inventeurs, catalyseurs, rédacteurs, expérimentateurs...) ne sont pas pris en comptes,
- la nature des contributions scientifiques (innovation, amélioration, synthèse) n'est pas prise en compte,
- la difficulté technique des résultats publiés n'est pas prise en compte;
- le H-index d'un chercheur dépend largement de la taille de la communauté scientifique à laquelle il appartient.

Chaque chercheur se doit d'être vigilant, tant s'il se trouve dans la situation d'évaluer un confrère que dans celle où lui même doit défendre son travail.